25 octobre 2007
Un monde de brutes
A propos du monde de l'entreprise et de la maladie moderne de l'évaluation individuelle des performances :
"En gagnant pas à pas chaque secteur d'activité soumis aux injonctions de la croissance, le culte de l'urgence et du court-termisme axe les efforts sur les moyens au détriment de la fin. Il détourne l'esprit du sens à donner à l'action. Du coup, il bloque toute volonté d'engagement, empêche toute consolidation, écarte toute construction de loyauté et de confiance mutuelle - les ferments, puis ciment, de toute stabilité. Dans cet univers morcelé sur la durée, chacun est fragmenté et sommé de s'adapter. Or, chacun le sait, le discours de l'adaptation se nourrit (aussi) des peurs et, notamment, celle, si présente, de l'exclusion. "D'où une solitude psychique et sociale, suggère Christophe Dejours. Les pathologies qui surgissent depuis quinze ans sont des pathologies de la solitude."
Au coeur de ce mouvement, et dans la sphère privée cette fois, Marie-France Hirigoyen note à son tour une augmentation de la dureté des relations (Les Nouvelles Solitudes, La Découverte, 216 p., 17 €). "L'exigence de perfection a rendu les relations entre sexes de plus en plus dures", écrit-elle. Les sites de rencontres prospèrent au service de consommateurs de l'autre de plus en plus exigeants. "Nous voulons que l'autre corresponde précisément à nos attentes et, si ce n'est pas le cas, la solution la moins dérangeante consiste à rompre et à passer à une autre relation." Cela se ferait sans gants. Au besoin avec des mots de plus en plus durs, de plus en plus violents. Avant de replonger dans la fausse douceur des très actuels paradis virtuels."
Jean Michel Dumay, Le Monde, 20/10/2007, Chroniques
21:30 Publié dans Coin kiosque, Temps modernes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vive la vie, société, pas d'accord