Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27 juillet 2006

Absence-Présence, épisode 2

... J’y étais revenue, sans l’avoir décidé vraiment. Je m’étais d’abord attachée à remeubler les différentes pièces, en apportant un minimum de confort et d’arrangement intérieur, combinant les objets et meubles neufs parmi les éléments ayant fait le voyage. Les deux commodes de style anglais avaient repris leur place abandonnée, et ne manifestaient rien d’autre que l’aisance d’une vie paisible. Jamais on n’aurait cru qu’elles avaient parcouru quelques milliers de kilomètres. Elles siégeaient de part et d’autre de la table rectangulaire en bois massif qui semblait prête à accueillir des convives venus goûter à la joie des moments de retrouvailles du passé. Des visions fugitives surgissaient. Réminiscences âcres par la joie pâle ressentie à travers le filtre du temps. De la même acuité fade que les photos jaunies, les bibelots, les livres ressortis des cartons et rangés les jours précédents. Le silence se peuplait des cris d’enfants, la solitude disparaissait sous les souvenirs des soirée passées autour de la cheminée accueillante irradiant sa chaleur à la communication entre les hommes, le noir du café dans la tasse se métamorphosait en une myriade de couleurs chatoyantes et enthousiastes. Je me revoyais, jeune mère de famille, à l’aube d’une vie heureuse bâtie sur les solides bases de pierre, à l’instar de notre demeure remise sur pied à partir de murs en ruines sur l’emplacement d’une vieille ferme délaissée. Je me revoyais, pleine des illusions enflammées gardées d’une jeunesse encore fraîche et militante, prête à transmettre à mes enfants, et avec l’aide de celui que je considérais comme mon complice de toujours, inébranlable, ce que je tenais comme les vérités de la vie, le bonheur de savoir manier les ficelles emmêlées de la société moderne dans laquelle j’étais née, de façon à ne pas être la marionnette que tant de gens devenaient. Je pensais être à l’abri, invincible, affrontant l’avenir, surmontant les diverses adversités ultérieures sans vergogne, d’autant plus faciles à franchir qu’elles ne pouvaient être dans mon esprit que matérielles et donc dérisoires. Un frisson me parcourut, reflétant la dichotomie de mon être quand il superposait deux épisodes éloignés sur le chemin qui était le mien.
 
Je me secouai. Ce n’était pas dans mon habitude de me laisser aller trop longtemps à l’apitoiement sur moi-même. Ces moments étaient certes nécessaires, et je le savais, mais il ne fallait pas que cela devienne une rengaine m’empêchant d’aller de l’avant. Heureusement le sommeil m’était revenu, brutalement, du jour au lendemain, ou plutôt d’une nuit sur l’autre. Les tourments ne me volaient plus ces heures précieuses de repos nocturne qui m’avaient tant fait défaut, même à coup de tranquillisants et somnifères divers. L’insomnie avait été remplacée par ces brusques irruptions du passé pendant la journée, m’amenant des réflexions teintées de nostalgie et de révolte, d’acidité et de douceur, mêlant les contrastes les plus divers si particuliers à la singularité du retour sur soi-même.
 
Je m’installai dans le canapé faisant face à la cheminée, et je m’attaquai à la lecture de l’ouvrage que j’avais décidé de terminer...
 

Les commentaires sont fermés.