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10 mars 2007

Quand le jour se lèverait...

Le repas se terminait. Quelques-uns des villageois se levèrent pour aller chercher leurs instruments rangés dans un  coin de la varangue de tôle, et s’installèrent face à leurs amis...
 
Le Kayambe émietta le tempo que les bongo faisaient naître, la mandoline enroba la mélodie offerte par la flûte, des voix s’élevèrent dans le crépuscule naissant pour chanter l’harmonie des hommes et de la nature, pour raviver la mémoire des hommes et des femmes. Quelques-unes spontanément se laissèrent entraîner par le rythme et firent onduler leur corps à l’unisson des musiciens, dédiant cette joie de l’instant à l’ami en partance. Rose-Améline était là aussi, les saccades de son corps exprimant les consonances harmoniques de son existence. Judex s’était levé pour allumer un feu de bois de cryptomérias, qui maintenant crépitait et envoyait ses reflets orangés sur les visages des danseuses.
 
Amilcar se tenait en retrait, le regard perdu dans ce spectacle d’un soir offert par ses amis... Plus il évoluait parmi eux, plus il avait envie de partir. Fuir cette campagne devenue déserte pour déambuler parmi les agitations et les bruits. Sortir de cette brume qui enveloppait trop souvent les hauteurs de l’île et retrouver la chaleur des espaces côtiers. Oublier pendant quelques temps ces hommes et ces femmes qui ne lui réservaient plus aucune surprise. Marcher vers les autres pour mieux se découvrir lui-même. Déjà, il les regardait tous avec un œil distant.
 
Pendant ce temps, les préoccupations des convives consistaient à rassasier leurs estomacs de nourriture et à apaiser leurs esprits par des échanges à propos de la météo des derniers jours. Il avait bien fait de prendre cette décision. Il n’aurait pas accepté de survivre plus longtemps dans cet univers dont il avait maintenant exploré les moindres recoins. Même sa caverne ne lui offrait plus de satisfactions. Il avait déjà lu tous les livres, il avait relu les meilleurs et il n’avait trouvé aucun moyen de s’en procurer d’autres. Assis sur un coin de table, il observait les invités en se disant qu’il les avait assez vus. Dès qu’il le pourrait, il emprunterait la route de l’avenir sans même prendre la peine de se retourner. Ce soir, il fixait dans sa mémoire les dernières images de l’espace dans lequel il avait déjà développé la moitié de son existence.

Ce soir, avant de les quitter, il allait tous les remercier d’être venus jouer, danser et manger sous ses yeux. Il allait, à son tour, et pour la dernière fois leur faire un numéro tel qu’il en était capable, époustouflant par sa spontanéité et étonnant par son talent.

Il leur offrirait encore une fois le son de sa voix et ses intonations changeantes. Puis, quand le calme serait revenu, il se retirerait dans sa pièce de vieux garçon, il emporterait les quelques objets dont il était le propriétaire et, sans même embrasser sa sœur, il partirait. Quand le jour se lèverait, Amilcar serait déjà loin...
 
 

25 février 2007

Le tempo du Kayambe

Clélia avait ramené des rougails divers, et Robert et Josépha s’étaient chargés de la confection de breuvages. Les discussions allaient déjà bon train. Chacun y allait de son refrain sur les divers événements récents survenus alentour, tout en sachant qu’ils étaient mineurs en comparaison de ce qui les amenait ce soir. Quand Amilcar apporta les volatiles empalés sur une grosse branche, chacun se tut. Bernard et Adélaïde s’empressèrent pour lui apporter de l’aide à la découpe, et Sandrine s’en alla rejoindre en silence Rose-Améline pour servir les différents invités.
 
Les écuelles furent bientôt généreusement garnies, permettant aux conversations de reprendre leur cours interrompu par l’arrivée des nouvelles odeurs alléchantes. Rose-Améline vint s’installer à côté de Judex, et commença elle aussi le repas, tout en jetant de brefs regards autour d’elle afin de s’assurer que personne ne manquait de rien. Elle ne disait mot, mais il savait ce qu’elle aurait pu exprimer si elle n’avait pensé que c’était inutile. Enjoindre encore une fois à Amilcar de renoncer à cette décision bizarre et apparemment sans motif. Dire sa tristesse de se voir séparer de celui avec lequel elle avait partagé les pires et les meilleurs moments.
 

 
 

23 février 2007

Bravo pour les enfants

Bravo aux Editions Où Sont Les Enfants. Dans la foulée de leur dernière publication Zazie et les femmes nues, elles se sont vues sélectionnées en vue du prix Chronos vacances 2007, pour Amour à Gogo, et du prix Premiers Lecteurs pour Petite brouette de survie.  Si vous avez envie d'offrir à des enfants, petits ou grands, des ouvrages parlant de choses vraies de notre temps, sans faux semblants, et illustrés par la vraie vie sous forme de photographies, dont les auteurs vous ravieront autant par leurs mots que par leurs images, alors fouinez et recherchez Où Sont Les Enfants ?

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13 février 2007

La soeur d'Amilcar

Chacun aurait voulu pouvoir ignorer cette attitude inquiétante mais Judex savait que, derrière la volonté de faire démarrer le feu de la bonne ambiance, les regards des uns et des unes ne cessaient de se tourner vers celle qui accaparait de plus en plus leur attention. Avec Rose-Améline, il ne fallait pas compter vouloir refaire le monde. Pour elle, tout était simple, et il n’y avait pas de raison pour que ça ne le soit pas. On était né pour vivre, les réflexions sur l’existence devaient se limiter à ça, et cette façon d’envisager le monde et les hommes lui permettait de ne pas se poser trop de questions, de résoudre nombre de problèmes sans faire intervenir une quelconque métaphysique ou intervention supérieure, ou encore la fatalité qui en abattait tant. Le départ d’Amilcar faisait donc partie pour sa soeur de ces décisions incompréhensibles à partir du moment où il n’y avait aucune raison sensée, c’est à dire inhérente au déroulement de la vie elle-même, à la possibilité de se nourrir, de continuer à avancer sur le chemin paisible du labeur quotidien, en compagnie des siens et de ceux avec qui on partage l’existence. Non, elle n’avait pas compris et ne comprenait toujours pas. Et même si Amilcar lui en avait exposé les vrais motifs, il eût été probable qu’elle fut restée imperméable de la même façon.

Judex la regardait s’affairer entre la cuisine et la table autour de laquelle les différents habitants du village prenaient maintenant place au fur et à mesure de leur arrivée. Il devinait dans le regard que la jeune femme ne voulait pas dévoiler la détermination et la ténacité. Malgré le tournant important qui était en train de se négocier, elle continuait à s’activer comme elle l’avait toujours fait. Les différents plats offrant des couleurs variées aux convives avant de confier à leurs palais les saveurs des légumes frais savamment choisis étaient disposés tout au long de la table. Sous la treille, tomates, concombres, laitues, maïs, tubercules attendaient patiemment que l’on s’empare d’eux pour les déguster en accompagnement de la volaille grillée grâce aux soins d’Amilcar, et qui répandait dans l’atmosphère une odeur à aiguiser tous les appétits.
 
 à suivre.... : Le tempo du kayambe
 
 

28 janvier 2007

Vent coulis

Vent coulis vent sésame

Bise matinale brise de mer

Repos caresse de l'air

Quiétude de l'âme

Froufrou dans le feuillage

Bonheur d'être

Sans loi ni maitre 

Hors les grilles hors la cage 

Sentir, voir, aimer, marcher

Méditation  

 

 

 

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13 janvier 2007

Le banquet

Les nombreux invités étaient déjà au rendez-vous. Comme s’ils avaient eu peur de manquer de victuailles. Comme s’ils avaient craint de  ne pas se retrouver  aux premières loges...
 
Les tréteaux avaient été installés sous un chapeau de végétal tressé et la case de Rose-Améline se retrouvait ainsi agrandie de plusieurs mètres carrés. L’espace réservé à l’accueil du repas avait été agencé de telle façon que chacun puisse disposer d’une place assise et d’un bout de planche pour pouvoir déposer une assiette assortie d’un couvert. Ainsi, dans quelques instants, chacun se retrouverait serré contre son voisin ou sa voisine et les échanges prendraient naissance entre les divers mets avec un plaisir qui dissimulerait le manque d’aisance... La décoration était en effet très superficielle et seul un bouquet ramassé à la hâte ornait l’espace central de la table de fortune. Les mines réjouies des convives faisaient vite oublier qu’il aurait été possible de recevoir plus dignement les hôtes du village. L’essentiel était que tout le monde soit présent et que chacun puisse accompagner Amilcar avant  que l’aube suivante ne se lève sur son départ.
Dans ce tableau de visages épanouis, un seul d’entre eux semblait transporter le masque de la nuit. Rose-Améline n’avait pas adressé un seul sourire aux nouveaux arrivants et il était difficile de savoir si sa mine renfrognée signifiait la présence d’une quelconque douleur ou celle d’un agacement. Etait-ce véritablement la cause de ces rides qui semblaient traverser son front à la manière des ruisselets qui saignaient les pentes après les fortes pluies...

 

Suite ...

 

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22 décembre 2006

Les Livres d'Amilcar

    Judex eut soudain l’impression de mieux respirer et, sous la lueur de la torche, il découvrit un espace dans lequel il laissa promener son regard satisfait. Amilcar observait son ami, sachant que la découverte le surprendrait. Judex pouvait maintenant se rendre compte que l’obscurité n’était pas complète : l’oeil s’habituant, il devenait possible de discerner le contenu de la grotte creusée dans le roc. La lumière du jour devait s’engouffrer quelque part dans le fond de la caverne. Il était désormais plus facile de deviner l’origine de la cavité qui n’apparaissait pas naturelle, contrairement aux premières impressions. Quelqu’un avait dû habiter ici il y a longtemps. Des reliquats de peinture et quelques bouts d’anciennes affiches traînaient aux murs. Quelques vieux meubles en rotin, tels qu’on pouvait encore en voir dans les vieilles bâtisses abandonnées des bas, égayaient le vide central de l’antre. Et, tout autour, des caisses, des coffres, des étagères aux portes fermées ou entrouvertes. La pièce était immense, et Judex commençait à s’impatienter de savoir ce qui se cachait dans tout ça. Avec l’assentiment d’Amilcar, il entreprit l’exploration de l’antre, coffre après coffre, portes après portes. L’autre l’observait, amusé. Des livres. Par dizaines, par centaines, par milliers... Un véritable trésor. Des vieux journaux aussi, datant des années 2000 et quelques, rangés soigneusement par dates. Judex passa près d’une heure à découvrir un par un les bouquins, ouvrages, imprimés, fascicules qui lui tombaient sous les yeux. A remuer de telles richesses, à voir les mots, les phrases, les titres se succéder dans si peu d’espace, son coeur battait la chamade, son esprit se sentait prêt à voler, il lui semblait que depuis longtemps il n’avait eu cette sensation de vivre, de communier la moindre de ses sensations avec les pages qu’il tournait. Il se retourna enfin vers son ami.Son regard racontait l’immense plaisir qui l’étreignait. Amilcar rompit le silence - “Je voulais que tu puisses profiter de cet endroit pendant mon absence. Allez, viens.” - Et, se retournant vers le goulet qui les avait amené, il invita Judex à le suivre. Les deux hommes reprirent le chemin qu’ils avaient parcouru dans l’autre sens. Ils se retrouvèrent rapidement à l’entrée du domaine dont ils partageaient désormais l’existence et ils se retournèrent tous les deux vers l’entrée de la caverne, signifiant ainsi qu’ils préféraient leurs errances nocturnes à la trop grande force du soleil. Regardant tous deux vers le fond de la grotte et se frottant les paupières, ils échangèrent un regard complice et ensemble, ils éclatèrent de rire.
Le bruit de leur nervosité retentit contre les parois rocheuses et se perdit tout au fond, quelque part, parmi les vieilles histoires qui, tout doucement, commençaient à se réveiller...

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16 septembre 2006

Volcan

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Volcan, feu de la terre

Terre, folie des hommes

Feu de la sagesse

Eruption de tendresse

Feu des entrailles rebelles

Incandescence des esprits

Générosité de l'âme

Âmes révoltées

Transport des corps

Elan de l'amour 

 

 

 

16 août 2006

Pluie chagrine

Pluie chagrine

    Coeur chaviré

        Chagrin rivé

           Ravine de coeur

                 Nuage de rage

                 Âmes  otages 

            Abîmes de la peur

         Esprits qui grondent

    Orage des sens

Ruines immondes

                        Silence

 


 

 

12 août 2006

Retour de bâton

medium_Cap_aout_2004_059.2.jpg12 mai 2003. Lecture du Monde cet après-midi. L’évolution du monde de plus en plus américain, modèle idéal libéral, espèce de nouvelle ère de colonialisation non définie comme telle. Très pervers tout ça. Je ne sais pas quand on aura le retour de bâton, mais il y en aura bien un. Dehors, il pleut. Toujours et toujours, ça a remis ça.

27 juillet 2006

Absence-Présence, épisode 2

... J’y étais revenue, sans l’avoir décidé vraiment. Je m’étais d’abord attachée à remeubler les différentes pièces, en apportant un minimum de confort et d’arrangement intérieur, combinant les objets et meubles neufs parmi les éléments ayant fait le voyage. Les deux commodes de style anglais avaient repris leur place abandonnée, et ne manifestaient rien d’autre que l’aisance d’une vie paisible. Jamais on n’aurait cru qu’elles avaient parcouru quelques milliers de kilomètres. Elles siégeaient de part et d’autre de la table rectangulaire en bois massif qui semblait prête à accueillir des convives venus goûter à la joie des moments de retrouvailles du passé. Des visions fugitives surgissaient. Réminiscences âcres par la joie pâle ressentie à travers le filtre du temps. De la même acuité fade que les photos jaunies, les bibelots, les livres ressortis des cartons et rangés les jours précédents. Le silence se peuplait des cris d’enfants, la solitude disparaissait sous les souvenirs des soirée passées autour de la cheminée accueillante irradiant sa chaleur à la communication entre les hommes, le noir du café dans la tasse se métamorphosait en une myriade de couleurs chatoyantes et enthousiastes. Je me revoyais, jeune mère de famille, à l’aube d’une vie heureuse bâtie sur les solides bases de pierre, à l’instar de notre demeure remise sur pied à partir de murs en ruines sur l’emplacement d’une vieille ferme délaissée. Je me revoyais, pleine des illusions enflammées gardées d’une jeunesse encore fraîche et militante, prête à transmettre à mes enfants, et avec l’aide de celui que je considérais comme mon complice de toujours, inébranlable, ce que je tenais comme les vérités de la vie, le bonheur de savoir manier les ficelles emmêlées de la société moderne dans laquelle j’étais née, de façon à ne pas être la marionnette que tant de gens devenaient. Je pensais être à l’abri, invincible, affrontant l’avenir, surmontant les diverses adversités ultérieures sans vergogne, d’autant plus faciles à franchir qu’elles ne pouvaient être dans mon esprit que matérielles et donc dérisoires. Un frisson me parcourut, reflétant la dichotomie de mon être quand il superposait deux épisodes éloignés sur le chemin qui était le mien.
 
Je me secouai. Ce n’était pas dans mon habitude de me laisser aller trop longtemps à l’apitoiement sur moi-même. Ces moments étaient certes nécessaires, et je le savais, mais il ne fallait pas que cela devienne une rengaine m’empêchant d’aller de l’avant. Heureusement le sommeil m’était revenu, brutalement, du jour au lendemain, ou plutôt d’une nuit sur l’autre. Les tourments ne me volaient plus ces heures précieuses de repos nocturne qui m’avaient tant fait défaut, même à coup de tranquillisants et somnifères divers. L’insomnie avait été remplacée par ces brusques irruptions du passé pendant la journée, m’amenant des réflexions teintées de nostalgie et de révolte, d’acidité et de douceur, mêlant les contrastes les plus divers si particuliers à la singularité du retour sur soi-même.
 
Je m’installai dans le canapé faisant face à la cheminée, et je m’attaquai à la lecture de l’ouvrage que j’avais décidé de terminer...